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fleche  fleche

Bollog passe à la télévision


Il est intéressant d'observer ce qui se passe lorsqu'une caméra de télévision est plantée dans un endroit quel qu'il soit, pour quelque occasion que ce soit. Qu'il s'agisse d'un reportage sur la démission d'un député ou d'une émission traitant des problèmes de la violence juvénile ou tout autre sujet, on découvre à chaque fois le même scénario :

L
e personnage interviewé est capté par le caméraman, mais on ne tarde pas à apercevoir derrière lui, Bollog, hilare, qui se hausse sur la pointe des pieds pour être mieux cadré par la caméra.
Aujourd'hui, le reporter interviewe un ministre sur les décisions qui viennent d'être prises dans son cabinet :
Bollog, hilare...
Derrière lui, Bollog, hilare...
- Peut-on espérer une amélioration des contacts avec la banlieue, une diminution de la tension actuelle ?
(C'est souvent le sujet traité...)
- Bien sûr, nous faisons tout pour stabiliser les divergences et les dissentiments...
(C'est souvent la réponse donnée...)
Pendant ce temps-là, Bollog ne quitte pas l'objectif de la caméra. D'autres personnes viennent s'assembler autour de lui, le bousculent, toutes fortement désireuses de s'incruster dans le petit écran et d'entendre leurs copains les féliciter :
- On t'a vu hier soir pendant les infos...
La gloire ! Il y a des moments de la vie qu'on ne voudrait louper pour rien au monde ! Alors, Bollog se dresse autant qu'il peut, qu'on le voie au maximum.
Et si la scène se passe en direct ? Bollog est reconnu sur l'écran par l'un de ses potes qui lui téléphone aussitôt :
- Génial mon vieux, tu es à la télé ; bouge un peu plus vers la droite, on te verra mieux !
Le visage de Bollog devient rayonnant. Le portable collé à son oreille, il se déplace de quelques pas, fixe les caméras : de l'autre côté, son copain le regarde.
Alors, il lève la main, et l'agite pour lui faire coucou...
Le lendemain, la même scène se reproduit. Cette fois, il n'y a pas grand monde, et le hall du parlement est suffisamment spacieux pour capter une large perspective.
Bollog décide de jouer les blasés et de prendre un petit air de rien du tout. Il se plaque une tiède nonchalance sur le visage : lui, la télévision, il n'en a rien à cirer, il en vu d'autres, tu penses ! Et puis, il est un homme important, et tient à ce qu'on le sache. Mais, que voit-il ? Un type (qui ressemble étonnamment au Bollog hilare d'hier) se tient derrière le ministre et prend toute la place sur l'écran. Il se précipite alors vers l'importun et lui glisse à l'oreille quelque chose comme :
- Monsieur, vous dérangez, veuillez vous pousser un peu...
- Quoi, quoi, quoi ? Pourquoi ? Je dérange, moi ? De quoi il se mêle celui-là ?
- Bien ! Faites comme vous voulez... Après tout, c'est vous qui semblez grotesque...
- De quoi parlez-vous ?
Bollog ne répond pas, il se contente de fixer d'un air moqueur le sommet du crâne du type, qui recule aussitôt de plusieurs mètres, mort d'inquiétude. Hors du champ des caméras, il se passe la main sur la tête pour essayer de déterminer ce qui ne va pas. Il ne sent rien, mais il lui faut une certitude, alors il se rue vers les toilettes afin de vérifier, face au miroir, s'il ne lui serait pas poussé, subitement, des oreilles de lapin.
Bollog est ravi ; et d'un, il s'est débarrassé de ce gêneur, et de deux, il l'a fait en marquant son autorité, et de trois, la scène se déroulait derrière le parlementaire interviewé, et sûr, on le verra encore à la télé ce soir.
"Dis donc, tu es un type important, toi..." dira-t-on.
Il se gausse déjà, s'éloigne du champ de la caméra, revient. L'interview n'est pas près de s'achever. Alors, toujours en arborant cet air indifférent, il va au fond du couloir, revient, restant comme par hasard dans le panorama des prises de vues, et tel un yo-yo au bout de son fil, réintègre la case départ et repart...
Il n'y a pas, bien sûr, que dans le domaine politique que Bollog sera sur le petit écran. Toutes les occasions seront bonnes : une manifestation dans la rue, un accident, un fait-divers... Là où se trouve une caméra, nous verrons Bollog.

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"Passer à la télévision est le rêve de tous les m'as-tu-vu qui, à tort ou à raison, s'imaginent avoir quelques choses à communiquer aux autres."
Jean d'Ormesson, Biographie de Jean Lefèvre, comte d'Ormesson

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