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fleche  fleche

Bollog et madame dans une file d'attente


Satire contre ceux qui traficotent, emberlificotent, trompent, dupent, embobinent, entortillent et abusent les autres...

file d'attente
File d'attente
P
endant que madame Bollog fait ses courses au super­marché, Bollog va récupérer un paquet à la Poste. Il entre dans le grand hall et aussitôt devient vert : il y a là une longue file d'attente composée de plusieurs dizaines de personnes. Bollog jauge la situation. Vous savez comment il est, n'est-ce pas ? Eh oui ! Il va tenter de resquiller... Il se dirige droit vers un guichet pendant que les autres l'invectivent :
"hou ! hou !"
- Je veux juste obtenir un ren­seigne­ment, explique Bollog, doucereux.
- Mon œil ! dit l'un.
- Moi aussi je veux un renseignement, mais je fais la queue comme les autres ! dit un autre.
- Moi, j'ai le coeur malade, dit un troisième, mais j'attends quand même !
- Moi, mes jambes peuvent à peine me porter ! dit une dame toute ronde.
- Moi...
Bref, chacun a de bonnes raisons d'être dispensé de cette fastidieuse attente, mais aucun ne cherche à se défiler. Enfin, c'est ce que tous prétendent.
- Je n'en ai que pour une seconde, je vous assure ! dit encore Bollog, de son plus beau sourire enjôleur.
À cet instant précis, Dame Bienveillance intervient :
- Mais bien sûr, Monsieur ! dit une bonne dame compatissante et complaisante dont c'est le jour de bonté. Passez donc. Puisque vous voulez seulement poser une question...
Elle fixera les autres d'un tel regard réprobateur que tous piqueront du nez vers leurs chaussettes. Bollog, suivi des yeux par toutes les personnes présentes dans ce bureau de Poste, se rend donc à l'un des guichets.
Il demande à l'employé s'il va bien, quelle heure il est... Puis, discrètement, il sort son bulletin de réception du paquet. Pendant que l'employé ira le lui chercher, Bollog se fera aussi petit que possible, retiendra sa respiration pour tenter de se rendre transparent...
Mais rien n'empêchera les insultes de fuser : l'abominable vérité vient d'éclater aux yeux de tous. La bonne dame compatissante et complaisante pleurera à gros sanglots et se mouchera en gémissant : "Si ce n'est pas malheureux ! À qui faire confiance, je vous le demande ?"
Lorsque Bollog recevra son paquet et quittera la Poste sur la pointe des pieds, les gens de la file sortiront de leurs poches des cailloux pour le lyncher. Heureusement pour lui, le guichet était près de la sortie...

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Madame Bollog, elle, est sur le point de finir sa longue liste d'achats. Elle a depuis longtemps remarqué le monde qui attend aux caisses.
Elle entasse des denrées dans un chariot après en avoir abandonné un, débordant de partout, dans une file.
Le chariot plein bloque les clients. Parfois, l'un d'eux s'énerve, pousse le chariot et passe devant. Cela va un temps, jusqu'à ce que madame Bollog revienne avec son deuxième chariot, bien rempli aussi.
"Ça va, pense-t-elle, il n'y a qu'une personne avant moi...". Elle pousse un peu les autres qui sont derrière le premier chariot :
- Pardon, madame ; s'il vous plaît, laissez-moi passer ; paaardon... paaardon...
Les dames bousculées se fâchent :
bagarre
Les hostilités...
- Non mais, pour qui elle se prend celle-là ?
- Vous ne pouvez pas attendre comme tout le monde ?
- Quel toupet !
Madame Bollog se défend avec aigreur :
- Vous ne voyez pas que j'étais là avant vous ? Mon chariot est là ? Alors ?
- Votre chariot peut-être, mais pas vous !
- Bien sûr que si, rétorque madame Bollog. Demandez à ce monsieur : n'est-ce pas, monsieur, que j'étais là avant elles ?
Le monsieur ne connaît pas cette femme, qu'est-ce qu'elle lui veut ? Il est drôlement ennuyé. D'abord, parce qu'il a horreur de faire des courses, surtout dans un supermarché, ensuite, parce que ces harpies l'agacent profondément ; enfin, il se demande si cela vaut le coup d'attendre si longtemps pour s'acheter juste un paquet de cigarettes. Subitement, il décide d'arrêter de fumer et sort de la file en souriant gentiment aux dames : "Bien le bonjour !" Et il s'en va.
Bollog et madame Bollog

Madame Bollog peut se l'accrocher sa place, elle vient de perdre son "témoin". Les clientes ricanent, lalalère...
L'une d'elles déclenche les hostilités. Fière descendante de Lysippé, elle revêt sa tenue d'amazone, pousse un cri de guerre, donne des tapes à droite et à gauche et réussit à pousser le premier chariot de madame Bollog. Ces engins prennent beaucoup de place dans les étroits couloirs des caisses et leur déplacement est malaisé. L'une des roues passe sur le pied d'une femme qui se met à hurler en agitant ses bras dans tous les sens. Une deuxième, tout échevelée, en profite pour s'infiltrer devant les autres et elle dépose à une vitesse record ses achats sur le tapis roulant. (La caissière, imperturbable, enregistre les articles.) Quelqu'un crie au scandale. Une petite vieille, qui jusque-là s'était tenue coi, donne des tapes avec une énergie insoupçonnée dans les côtes de celle qui la précède. Celle-ci la pince de toutes ses forces, tout en entreprenant de vider le chariot de la petite vieille. Un peu plus loin, une grosse dame essaie de mordre une jeune fille qui la cogne en sautillant. Le sang ne va pas tarder à couler...
Madame Bollog, malgré une intrépide résistance, est refoulée en bout de rang, elle et ses deux chariots. À ce moment-là, on entend une voix dans le haut-parleur qui annonce que la caisse numéro 3 va ouvrir.
Comme madame Bollog est en bout de rang, c'est elle qui arrivera la première devant la caisse 3...

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Un peu plus tard, elle retrouve son mari ; ils vont rentrer ensemble. Un monde fou attend l'autobus lorsqu'ils arrivent à l'arrêt. Je ne vais pas vous raconter la suite, vous la connaissez par coeur, et vous ne serez pas étonnés s'ils essaient d'entrer dans le véhicule avant tous les autres...

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Le pouvoir doit se définir par la possibilité d'en abuser."
André Malraux, La Voie royale - Septembre 1935

"Il y en a qui contestent
Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu'un seul geste
Je retourne ma veste..."
Jacques Dutronc, L'opportuniste

"François Hollande, un insignifiant opportuniste qui occupe le fauteuil de l'État."
Michel Houellebecq, Je retourne ma veste.

"Tout le monde ment ; bien mentir, voilà ce qu'il faut."
Albert Camus, Les justes

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