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fleche  fleche

Bollog a toujours raison !


Satire contre les phallocrates et les égotistes de tout poil.

O
n parie combien que vous connaissez aussi ce Bollog-là ? Maître diplômé en Mauvaise-Foi, émule de Schopenhauer, il a longuement étudié L'Art d'avoir toujours raison : l'important est de prendre le dessus sur l'adversaire, lui montrer qu'il a tort, et que lui, Bollog, a raison...
Peut-être êtes-vous vous-même l'un de ses proches ?
Il y en a des tas, partout, tout le temps, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des petits, des grands, des drôles, des ennuyeux, des sympathiques, des accablants...
Les Bollog qui ont toujours raison ont en commun le nombril plus haut que leurs oreilles. Chacun d'eux vous soutiendra que c'est lui et lui seul qui est dans le vrai.

Avez-vous déjà essayé, chère madame, de prouver à votre Bollog de mari qu'il a tort ?
(Bien entendu, on peut inverser les sexes ; il n'y a là pas la moindre once de discours discriminatoire ou féministe. Bollog n'est un mâle, ici, que pour le confort de la narration. Si, si, je le jure !)
...N'essayez même pas, malheureuse ! Il récusera tous vos dires, et vos arguments vont vite tomber en poussière et recouvrir vos orteils jusqu'aux mollets. Bollog ne peut pas se tromper. Pas lui... Cela ne lui arrive jamais et vous aurez beau faire, dire et démontrer, cela ne servira strictement à rien. C'est vous qui êtes engluée dans la fosse de l'aberration, c'est vous qui vous fourvoyez jusqu'au cou !
Pas lui, où allez-vous trouver des trucs pareils ? Vous êtes vraiment incroyable !
Bollog essaiera, pour commencer, de vous démontrer que vous êtes dans l'erreur. Il vous parlera doucement, patiemment (cela ne durera pas), comme on parle à un enfant un peu débile.
Vous, vous savez qu'il a tort : on dit bleu canard et non vert canard. Vous l'avez lu ce matin-même dans le petit Larousse, source digne de foi s'il en est.
Bollog n'a pas lu cette information. Mais il possède cette confiance en soi qui évince toute connaissance : il n'a pas besoin de lire ou d'apprendre les faits, il les connaît. Point.
Sûr de lui, il haussera les épaules, secouera un peu la tête en crispant le coin droit de sa bouche dans une moue à la fois dédaigneuse et condescendante :
"Tss ! C'est vraiment n'importe quoi... Les canards sont verts, tout le monde sait cela, on dit : "vert canard" !"
Tout le monde, cela veut dire lui. Il faut souligner que fréquemment Bollog fera intervenir la terre entière pour ponctuer son raisonnement.
Ben voyons. Vous soutenez votre point de vue, mais cela ne servira à rien, il n'en démordra pas. (Et rien ne le fera changer d'avis, même si tous les académiciens se trouvaient en face de lui en habit vert artichaut). Vous connaissez Bollog et vous savez que la lutte est inutile : vous ne gagnerez jamais ce duel.

Laissez-le dire. D'ailleurs, bien souvent, c'est ainsi que vous en viendrez à bout, en lui disant : "Si tu veux...", par exemple.
Décontenancé, Bollog continuera, la bouche déjà amère et frustrée, à lancer ses références :
- Un canard bleu, c'est ridicule, cela n'existe pas !
- Si tu veux...
- Je sais ce que je dis tout de même !
Ne soyez pas étonnée s'il ajoute, furieux : "Et puis, on ne peut jamais discuter avec toi !"

Ah oui, ces Bollog sont parfois un tantinet nerveux. Si par malheur Bollog perd pied, (vous avez enfin pu lui faire lire la définition du bleu canard), il va vous en vouloir, vous n'avez pas idée !
- Ouais ! Tu veux toujours avoir le dernier mot ! (???) Et qui c'est qui avait raison l'autre fois ? (???) Oh, et puis je ne vois pas pourquoi je me donne tellement de mal !

Avouez que vous l'avez cherché. Maintenant il va bouder pendant des heures. Vous voulez sa mort ?
Après tout, bleu ou vert canard, qui dit que Larousse a raison ?

Droits d'auteur ©nikibar.com 2006 - Reproduction, traduction, adaptation, interdits sans le consentement de l'auteur.



Vous retrouverez ce Bollog dans la galerie de portraits des intervenants ("Celui qui a toujours raison") :
L'art de la conversation


"il arrive souvent que, bien que l'on ait raison, on se laisse confondre ou réfuter par une argumentation spécieuse, ou inversement ; et celui qui sort vainqueur du débat doit bien souvent sa victoire non pas tant à la justesse de son jugement quand il soutient sa thèse qu'à l'astuce et à l'adresse avec lesquelles il l'a défendue."
Arthur Schopenhauer, L'art d'avoir toujours raison (1864)

"Cette certitude d'avoir raison qui est, à mes yeux, le signe infaillible de l'erreur."
Jean Rostand, Carnet d'un biologiste (1959)

"Il n'est point raisonnable pour la raison de toujours vouloir avoir raison."
Robert Sabatier, Le livre de la déraison souriante (1991)

"Celui qui croit avoir toujours raison a premièrement toujours tort en cela."
Gilbert Cesbron, Journal sans date

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