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LE COCHON, LA CHÈVRE ET LE MOUTON

(livre VIII)

Jean de la Fontaine


Une Chèvre, un Mouton, avec un Cochon gras,
Montés sur même char, s'en allaient à la foire.
Leur divertissement ne les y portait pas ;
On s'en allait les vendre, à ce que dit l'histoire :
Le charton n'avait pas dessein
De les mener voir Tabarin,
Dom Pourceau criait en chemin
Comme s'il avait eu cent bouchers à ses trousses :
C'était une clameur à rendre les gens sourds.
Les autres animaux, créatures plus douces,
Bonnes gens, s'étonnaient qu'il criât au secours  ;
Ils ne voyaient nul mal à craindre.
Le charton dit au Porc : « Qu'as-tu tant à te plaindre ?
Tu nous étourdis tous : que ne te tiens-tu coi ?
Ces deux personnes-ci, plus honnêtes que toi,
Devraient t'apprendre à vivre ou du moins à te taire :
Regarde ce Mouton ; a-t-il dit un seul mot ?
Il est sage. – Il est un sot,
Repartit le Cochon : s'il savait son affaire,
Il crierait, comme moi, du haut de son gosier  ;
Et cette autre personne honnête
Crierait tout du haut de sa tête.
Ils pensent qu'on les veut seulement décharger,
La Chèvre de son lait, le Mouton de sa laine :
Je ne sais pas s'ils ont raison  ;
Mais quant à moi qui ne suis bon
Qu'à manger, ma mort est certaine.
Adieu mon toit et ma maison. »

Dom Pourceau raisonnait en subtil personnage :
Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain,
La plainte ni la peur ne changent le destin  ;
Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.


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