Une Chèvre, un Mouton, avec un Cochon gras, Montés sur même char, s'en allaient à la foire. Leur divertissement ne les y portait pas ; On s'en allait les vendre, à ce que dit l'histoire : Le charton n'avait pas dessein De les mener voir Tabarin, Dom Pourceau criait en chemin Comme s'il avait eu cent bouchers à ses trousses : C'était une clameur à rendre les gens sourds. Les autres animaux, créatures plus douces, Bonnes gens, s'étonnaient qu'il criât au secours ; Ils ne voyaient nul mal à craindre. Le charton dit au Porc : « Qu'as-tu tant à te plaindre ? Tu nous étourdis tous : que ne te tiens-tu coi ? Ces deux personnes-ci, plus honnêtes que toi, Devraient t'apprendre à vivre ou du moins à te taire : Regarde ce Mouton ; a-t-il dit un seul mot ? Il est sage. – Il est un sot, Repartit le Cochon : s'il savait son affaire, Il crierait, comme moi, du haut de son gosier ; Et cette autre personne honnête Crierait tout du haut de sa tête. Ils pensent qu'on les veut seulement décharger, La Chèvre de son lait, le Mouton de sa laine : Je ne sais pas s'ils ont raison ; Mais quant à moi qui ne suis bon Qu'à manger, ma mort est certaine. Adieu mon toit et ma maison. » Dom Pourceau raisonnait en subtil personnage : Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain, La plainte ni la peur ne changent le destin ; Et le moins prévoyant est toujours le plus sage. |