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J'ai des doutes



Raymond Devos

Né le 9 novembre 1922 à Mouscron en Belgique. Enfant, Raymond Devos rêve d'être un artiste. Autodidacte, il souhaite maîtriser la langue française et la musique pour laquelle il a une affection particulière. La musique n'est néanmoins pas son seul domaine de prédilection, il entame alors des cours de théâtre qui seront malheureusement suspendus par la Guerre. Elle contraint d'ailleurs Raymond Devos à être déporté en Allemagne.
Loin de se résigner, Devos organise quelques spectacles improvisés au bon plaisir de ses compagnons d'infortune.
Dès sa rentrée sur Paris, il intègre l'École de Mime d'Etienne Ducroux. Il fait ses débuts en 1948 dans 'Les Trois Cousins', avec André Gille et Georges Denis. Les trois partenaires se produisent au club du Vieux-Colombier et à la Rose Rouge. Un duo avec Roger Verbecke succède ensuite au trio : 'Les pinsons' se produisent à "l'ABC" et aux "Trois-Baudets" en chantant des parodies comiques de chansons de cow-boy.
Mais c'est au hasard d'une tournée théâtrale des villes casinos avec la compagnie Jacques Fabbri, à Biarritz, qu’il découvre l'absurde et le comique de situation. Interrogeant un maître d'hôtel, "Je voudrais voir la mer", il se voit répondre "Vous n'y pensez pas, elle est démontée". "Quand la remontera-t-on ?" insiste-t-il. "C'est une question de temps"... Ces quatre répliques lui donnent la matière à un sketch, 'La mer', puis bientôt à un autre, 'Le car pour Caen', et finalement à un style devenu inimitable.
C’est au cabaret "Le cheval d’or", d’abord, puis à "L'écluse" et aux "Trois-baudets" qu'il teste ses premiers sketches et le personnage qui allait, au fil du temps, impressionner le public. Remarqué par Maurice Chevalier, il passera en première partie de son spectacle à l’"Alhambra" et y gagne la consécration. Son sketch 'Sens interdits' le rend célèbre : "Mais dis-moi laitier, ton lait va tourner !", auquel le laitier en question, pris sur un rond-point ne donnant que sur des sens interdits, répond par "T'en fais pas, je fais mon beurre".
Désireux d'écrire ses propres textes, il s'adonne au "one man show" où il met en exergue son talent indéniable de maître du jeu de mots. Véritable jongleur, il insuffle au langage une note poétique appréciable.
Il multiplie ses apparitions dans les salles de spectacle, accompagné de son fidèle pianiste, Hervé Guido. Ses prestations se succèdent, les plus grandes salles l'accueillent : "Bobino", "l'Olympia"... Son spectacle s'enrichit sans cesse : mime, comédien, musicien, jongleur, équilibriste sur monocycle, prestidigitateur... Il jongle aussi bien avec des petites balles qu'avec des boules de cinq kilogrammes. Ses prouesses physiques sur scène suscitent l'étonnement puis le rire, en regard de sa silhouette rebondie, avec son pantalon retenu sous le ventre par des bretelles.
Et ses mimiques ponctuent admirablement une gestuelle exceptionnelle. Raymond Devos triomphera par la suite sur le petit écran, régulièrement invité par Jacques Chancel dans son Grand Échiquier.
Il s'est marié le 30 avril 1959 avec Simone Beguin. Le couple n'a pas eu d'enfants.
En décembre 2005, il est victime d'une attaque cérébrale, puis il est à nouveau hospitalisé en février 2006 pour la même pathologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Il décède chez lui, à 7h50, le 15 juin 2006 des suites d'une crise d'œdème aigu du poumon, entouré de sa sœur Cécile, de ses deux neveux Jean-Louis et Stéphane, et de son secrétaire particulier Pierre Herran.
Ses funérailles ont lieu le 19 juin dans l'église de Saint-Rémy-lès-Chevreuse.

Biographie : Raymond Devos

Paroles

(L'artiste entre tenant d'une main une chaise, de l'autre, sa guitare.)
J'ai des doutes !... J'ai des doutes !...
Hier soir, en rentrant dans mes foyers plus tôt que d'habitude...il y avait quelqu'un dans mes pantoufles...
Mon meilleur copain...
Si bien que je me demande si, quand je ne suis pas là... (s'asseyant) il ne se sert pas de mes affaires !...
J'ai des doutes !...
(Se levant)... Je vais vous jouer une étude de Sor.
Sor était espagnol de 1778 à...
J'ai des doutes !... Ce n'est pas sa pointure !... vous comprenez ?... alors, il la force !... après, moi je...
(il montre que sa pantoufle est trop large). Il n'a qu'à s'en payer une paire !
(Revenant à son étude :)
Sor était espagnol de 1778... jusqu'à... sa mort... après de très belles études...
Il en a écrit plusieurs très belles aussi... dont la cinquième que je vais vous interpréter.
(Il se rassied.)
J'ai horreur que l'on se serve de mes affaires !... Pour cinq francs !...
Il a une paire de pantoufles... n'importe où...
La Cinquième Étude de Sor.
(Il joue la première phrase de l'étude de Sor.)
... Mon pyjama !... C'est pareil !... depuis qu'il a acheté le même...
Je ne retrouve plus le mien !... il s'en sert... quoi !... il n'y a pas de doute !... (Il joue la deuxième phrase de l'étude de Sor.)
... Ma femme ne voulait pas le croire. Je lui ai dit :
"Tu vas voir !... un de ces jours... il va aussi se servir de tes affaires !"
Mon vieux, le lendemain, je retrouve son soutien-gorge dans la poche de son pardessus !
Il s'en sert, quoi !... il n'y a pas de doute !
(Il joue la troisième phrase de l'étude de Sor.)
... Un soir, j'arrive sur le palier... j'entends :
"Profitons-en pendant qu'il n'est pas là !..."
"Débarrasse-toi de ton bonhomme de mari, c'est un rabat-joie !..."
Ah ! mon vieux... j'entre... je dis à mon copain qui était là :
Oh !... Eh !... eh !... (il lui fait signe de baisser le ton).
Baisse un peu la radio, on l'entend d'en bas !
Il s'en sert, quoi !... il n'y a pas de doute !
(Il joue la quatrième phrase de l'étude de Sor.)
... Trois jours après !... j'entre... je le trouve dans mon lit, en train de fumer une cigarette, une des miennes !...
Je dis à ma femme qui était à côté :
"Tu ne peux pas l'empêcher de fumer, non? Il va brûler mes draps !..."
Il s'en sert, quoi !... il n'y a pas de doute !
... Alors !... mes pantoufles !... mon pyjama !... ma radio !... mes cigarettes !...
Et pourquoi pas ma femme pendant qu'il y est !...
(Il réalise soudain que ce n'est pas seulement de ses af-faires dont son copain abuse...)
(Il réalise aussi qu'il a dévoilé son infortune devant tout le monde, et ce n'est plus qu'un pauvre homme qui joue la cinquième et dernière phrase de l'étude de Sor... et qui sort.)


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