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"ART" de Yasmina Reza


art

Avec Pierre Arditi, Fabrice Luchini, Pierre Vaneck


Durée : 01.27.11
Trois amis vont s'entre-déchirer autour d'un tableau, une toile peinte en blanc, avec de fins liserés blancs transversaux...


UN AFFRONTEMENT AUTOUR DE L'ART CONTEMPORAIN
Créée en 1994 à la Comédie des Champs Élysées avec Fabrice Luchini, Pierre Arditi et Pierre Vaneck, dans une mise en scène de Patrice Kerbrat, Art est la pièce la plus impersonnelle de tout le théâtre de Yasmina Reza qui compte sept pièces.
Dès sa création, cette comédie reçut un accueil triomphal du grand public.
Traduite en une trentaine de langues, elle fut jouée dans presque 57 pays et obtint de prestigieux prix aussi bien en France (deux Molières) qu'à l'étranger (Le Tony Award du meilleur auteur en 1998).
lepetitlitteraire.fr

EXTRAIT :

Marc, seul.
MARC : Mon ami Serge a acheté un tableau.
C'est une toile d'environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et si on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux.
Mon ami Serge est un ami depuis longtemps.
C'est un garçon qui a bien réussi, il est médecin dermatologue et il aime l'art.
Lundi, je suis allé voir le tableau que Serge avait acquis samedi mais qu'il convoitait depuis plusieurs mois.
Un tableau blanc, avec des liserés blancs.

*

Chez Serge.
Posée à même le sol, une toile blanche, avec de fins liserés blancs transversaux.
Serge regarde, réjoui, son tableau.
Marc regarde le tableau.
Serge regarde Marc qui regarde le tableau.
Un long temps où tous les sentiments se traduisent sans mot.

MARC : Cher ?
SERGE : Deux cent mille.
MARC : Deux cent mille ?...
SERGE : Handington me le reprend à vingt-deux.
MARC : Qui est-ce ?
SERGE : Handington ?!
MARC : Connais pas.
SERGE : Handington ! La galerie Handington !
MARC : La galerie Handington te le reprend à vingt-deux ?...
SERGE : Non, pas la galerie. Lui. Handington lui-même. Pour lui.
MARC : Et pourquoi ce n'est pas Handigton qui l'a acheté ?
SERGE : Parce que tous ces gens ont intérêt à vendre à des particuliers. Il faut que le marché circule.
MARC : Ouais...
SERGE : Alors ? Tu n'es pas bien là ? Regarde-le d'ici. Tu aperçois les lignes ?
MARC : Comment s'appelle le...
SERGE : Peintre. Antrios.
MARC : Connu ?
SERGE : Très. Très !
Un temps.
MARC : Serge, tu n'as pas acheté ce tableau deux cent mille francs ?
SERGE : Mais mon vieux, c'est le prix. C'est un ANTRIOS !
MARC : Tu n'as pas acheté ce tableau deux cent mille francs !
SERGE : J'étais sûr que tu passerais à côté.
MARC : Tu as acheté cette merde deux cent mille francs ?!

*

Serge, comme seul.
SERGE : Mon ami Marc, qui est un garçon intelligent, garçon que j'estime depuis longtemps, belle situation, ingénieur dans l'aéronautique, fait partie de ces intellectuels, nouveaux, qui, non contents d'être ennemis de la modernité en tirent une vanité incompréhensible
Il y a depuis peu, chez l'adepte du bon vieux temps, une arrogance vraiment stupéfiante.