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L'expérience de Milgram

Milgram
LES DANGERS DE L'OBÉISSANCE

Stanley Milgram (1933-1984) était un chercheur en psychologie qui se posait la question du pouvoir d'autorité que pouvait exercer un scientifique sur un individu moyen.
Des personnes volontaires étaient recrutées pour participer à une expérience sans en connaître les différents facteurs. On leur faisait croire par un tirage au sort truqué qu'ils auraient le rôle du questionneur et leur voisin (un complice) celui du candidat.
Ce dernier devait alors mémoriser une liste de mots associés. Quand le questionneur demande un mot, le comédien, enfermé dans une cabine, doit lui répondre le mot associé. S'il se trompe le questionneur a l'ordre de lui envoyer une décharge électrique.
Plus il se trompe, plus les décharges s'intensifient, passant de 15 à 450 volts.
Le questionneur sait que les doses puissantes sont mortelles, il entend les suppliques du comédien, mais pourtant, dans 62,5% des cas, il va jusqu'au bout, encouragé par le scientifique.

Cette expérience cherchait à évaluer le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il juge légitime et à analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet.
Les résultats ont suscité beaucoup de commentaires dans l'opinion publique, mais la méthode utilisée a fait naître critiques et controverses chez les psychologues et les philosophes des sciences.

Au total, dix-neuf variantes de l'expérience avec 636 sujets furent réalisées, permettant ainsi en modifiant la situation, de définir les véritables éléments poussant une personne à obéir à une autorité qu'elle respecte et à maintenir cette obéissance.
La plupart des variantes permettent de constater un pourcentage d'obéissance maximum proche de 65%. Il peut exister des conditions extrêmes allant d'un comportement de soumission à l'autorité élevé (près de 92%) dans le cas de chocs administrés par un tiers à un comportement de soumission faible (proximité du compère recevant les chocs) ou nul (décrédibilité de l'autorité).

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Comment se déroule l'expérience

L'expérimentateur et l'élève sont en réalité des comédiens et les chocs électriques sont fictifs.
Dans le cadre de l'expérience simulée (apprentissage par la punition), élève et enseignant sont tous deux désignés comme "sujets". Dans le cadre de l'expérience réelle (niveau d'obéissance, soumission à l'autorité), seul l'enseignant sera désigné comme sujet.
Au début de l'expérience simulée, le futur enseignant est présenté à l'expérimentateur et au futur élève. Il lui décrit les conditions de l'expérience, il est informé qu'après tirage au sort il sera l'élève ou l'enseignant, puis il est soumis à un léger choc électrique (réel celui-là) de 45 volts pour lui montrer un échantillon de ce qu'il va infliger à son élève et pour renforcer sa confiance sur la véracité de l'expérience. Une fois qu'il a accepté le protocole, un tirage au sort truqué est effectué, qui le désigne systématiquement comme enseignant.
L'élève est ensuite placé dans une pièce distincte, séparée par une fine cloison, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l'interroge sur celles-ci. Il est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques à l'apprenant. En cas d'erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu'ainsi l'apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet est prié d'annoncer la tension correspondante avant de l'appliquer.
Les réactions aux chocs sont simulées par l'apprenant. Sa souffrance apparente évolue au cours de la séance : à partir de 75 V il gémit, à 120 V il se plaint à l'expérimentateur qu'il souffre, à 135 V il hurle, à 150 V il supplie d'être libéré, à 270 V il lance un cri violent, à 300 V il annonce qu'il ne répondra plus. Lorsque l'apprenant ne répond plus, l'expérimentateur indique qu'une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 volts, la majorité des sujets manifestent des doutes et interrogent l'expérimentateur qui est à leur côté.
Celui-ci est chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils ne seront pas tenus pour responsables des conséquences. Si un sujet hésite, l'expérimentateur lui demande d'agir.
Fichier:A-Virtual-Reprise-of-the-Stanley-Milgram-Obedience-Experiments-pone.0000039.s012.ogv

L'apprenant s'écrie "Je ne veux pas continuer!" en s'adressant au sujet. (simulation)
Si un sujet exprime le désir d'arrêter l'expérience, l'expérimentateur lui adresse, dans l'ordre, ces réponses :
  • "Veuillez continuer s'il vous plaît."
  • "L'expérience exige que vous continuiez."
  • "Il est absolument indispensable que vous continuiez."
  • "Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer."
Si le sujet souhaite toujours s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le sujet a administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées XXX situées après celles faisant mention de Attention, choc dangereux.
À l'issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le sujet permettaient de recueillir ses sentiments et d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement.
Cet entretien visait aussi à le réconforter en lui affirmant qu'aucune décharge électrique n'avait été appliquée, en le réconciliant avec l'apprenant et en lui disant que son comportement n'avait rien de sadique et était tout à fait normal.
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Analyse de Milgram

L'AUTORITÉ

obeissance
Dessin à l'encre de Chine
Niki Vered-Bar
En plus des nombreuses variantes expérimentales qui permettent de mettre en valeur des facteurs de la soumission, Stanley Milgram propose dans son livre paru en 1974 une analyse détaillée du phénomène. Il se place dans un cadre évolutionniste et conjecture que l'obéissance est un comportement inhérent à la vie en société et que l'intégration d'un individu dans une hiérarchie implique que son propre fonctionnement en soit modifié : l'être humain passe alors du mode autonome au mode systématique où il devient l'agent de l'autorité.
À partir de ce modèle, il recherche les facteurs intervenant à chacun des trois stades :
- Les conditions préalables de l'obéissance :
Elles vont de la famille (l'éducation repose sur une autorité dans la famille) à l'idéologie dominante (la conviction que la cause est juste, c'est-à-dire ici la légitimité de l'expé­ri­men­tation scienti­fique).
- L'état d'obéissance :
Les manifestations les plus importantes sont la syntonisation (réceptivité augmentée face à l'autorité et diminuée pour toute manifestation extérieure) et la perte du sens de la responsabilité. Il constate aussi une redéfinition de la situation en ce sens que l'individu soumis "est enclin à accepter les définitions de l'action fournies par l'autorité légitime".
- Les causes maintenant en obéissance :
Le phénomène le plus intéressant parmi ceux relevés est l'anxiété, qui joue le rôle de soupape de sécurité ; elle permet à l'individu de se prouver à lui-même par des manifestations émotionnelles qu'il est en désaccord avec l'ordre exécuté.

A contrario, Stanley Milgram s'oppose fortement aux interprétations qui voudraient expliquer les résultats expérimentaux par l'agressivité interne des sujets. Une variante met d'ailleurs en évidence cela, où le sujet était libre de définir le niveau d'intensité. Ici, seule une personne sur les quarante a utilisé le niveau maximal.
Il propose également une série d'arguments factuels pour réfuter les trois critiques qui lui sont le plus souvent adressées : la non-représentativité de ses sujets, leur conviction en ce protocole expérimental et l'impossibilité de généraliser l'expérience à des situations réelles.
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Rôle de l'obéissance dans la société

L'obéissance à une autorité et l'intégration de l'individu au sein d'une hiérarchie est l'un des fondements de toute société. Cette obéissance a des règles, et par voie de conséquence à une autorité, permet aux individus de vivre ensemble et empêche que leurs besoins et désirs entrent en conflit et mettent à mal la structure de la société.
Partant de cela, Stanley Milgram ne considère pas l'obéissance comme un mal.
Là où l'obéissance devient dangereuse, c'est lorsqu'elle entre en conflit avec la conscience de l'individu. Pour résumer, ce qui est dangereux, c'est l'obéissance aveugle.
Un autre moteur de l'obéissance est le conformisme. Lorsque l'individu obéit à une autorité, il est conscient de réaliser les désirs de l'autorité.
Avec le conformisme, l'individu est persuadé que ses motivations lui sont propres et qu'il n'imite pas le comportement du groupe. Ce mimétisme est une façon pour l'individu de ne pas se démarquer du groupe.
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Le jeu de la mort

Et si on jouait à se tuer sur un plateau télé ? Jusqu'où va la télé ?

Le jeu de la mort

Dans Le jeu de la mort, Christophe Nick, journaliste français, enquêteur, essayiste et réalisateur de documentaires pour la télévision, réactualise l'expérience.
Il a simplement remplacé l'homme en blouse blanche par une animatrice, interprétée par Tania Young. Au lieu d'être installés dans un laboratoire, les questionneurs se retrouvent sur un plateau de télévision. Et les résultats sont là, alarmants. Devant les injonctions de l'animatrice et les encouragements du public (lui aussi complice), la majorité des candidats ne parviennent pas à se rebeller et poursuivent leur acte de torture.
La mise en scène reproduit l'expérience de Milgram pour étudier l'influence de l'autorité sur l'obéissance : les décharges électriques sont fictives, un acteur feignant de les subir, et l'objectif est de tester la capacité à désobéir du candidat qui inflige ce traitement et qui n'est pas au courant de l'expérience.
Pourtant, ils n'y a rien à gagner, car ils croient prendre part au pilote non diffusable d'un nouveau jeu télé.
Le Jeu de la mort est un documentaire mettant en scène un faux jeu télévisé (La Zone Xtrême) durant lequel un candidat doit envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes à un autre candidat, jusqu'à des tensions pouvant entraîner la mort.
Un débat intitulé Jusqu'où va la télé incitera à réfléchir au but de cette expérience et au pouvoir que détient la télévision.
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Sources et liens

Wikipedia - L'Expérience de Milgram
Sciences humaines Stanley Milgram (1933-1984). La soumission à l'autorité
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