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Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673)

LE MISANTHROPE OU L'ATRABILAIRE AMOUREUX

Moliere
"Molière, ce grand peintre
de l'homme tel qu'il est."
(Stendhal)

MOLIÈRE ET LE MISANTHROPE AU XVIIe SIÈCLE...

Louis XIV a régné de 1643 à 1715. Il a encouragé les arts en finançant plusieurs artistes, dont Molière.

En 1664, la pièce Tartuffe, dans laquelle Molière critique la dévotion religieuse hypocrite avait été interdite par le roi à la requête des dévots. Le misanthrope a été créé comme riposte à cette critique. Ce chef-d'œuvre a été hautement reconnu dès le XVIIe siècle.

Le tempérament atrabilaire, au XVIIe siècle, est aussi le propre des grands caractères, des poètes inspirés, en particulier, et en général des grands hommes.
Le thème de la misanthropie remonte à l'antiquité ; les œuvres qui reprennent ce thème sont par la suite nombreuses.
Molière a pratiqué les thèmes du XVIIe siècle : l'opposition entre la coquette et l'amant chagrin, l'incompatibilité entre l'humeur chagrine et l'univers de la cour, l'atrabilaire naturellement misanthrope.

Le Misanthrope est une pièce singulière qui se distingue du ton comique habituel à Molière.
La réflexion philosophique que mène Molière concerne la vaste question du rapport de l'homme et du monde, de l'homme et de la vérité impossible. Le Misanthrope contient une critique de la vie mondaine et plus largement de la société.
Quels sont les vices qu'Alceste reproche au monde dans lequel il vit ? Certes, la duplicité et l'hypocrisie, les démonstrations d'amitié qui sont de purs mensonges, et les éloges dont on accable ceux dont on vient de dire tout le mal possible. Mais, par delà la critique de ces travers humains, Molière dénonce un mal inhérent à la nature humaine, l'amour-propre qui se dissimule sous le masque des usages.
Ce chef-d'œuvre témoigne de l'extraordinaire lucidité de Molière. À la fois Alceste et Philinte, il renonce à proposer un sens univoque aux dépens d'un héros complètement ridicule, afin d'offrir une profonde méditation sur la nature humaine.

Alceste, passionnément amoureux de Célimène, hante constamment son salon. Des incidents vont augmenter la colère initiale d'Alceste : l'affaire du sonnet, le jeu des portraits, l'entrée des marquis importuns, et la découverte du billet doux.
Son explication avec Célimène est sans cesse retardée. Les personnages, chose excep­tion­nelle, sont ici du même âge et du même milieu, la haute aristocratie.
Contrairement à ce que demande la tradition du genre comique, la scène, loin de rassembler tous les acteurs dans une liesse commune, les voit sortir un à un, laissant le misanthrope dans un isolement lourd de sens.

Au XVIIe siècle, on ne croit pas que le monde puisse être changé, et l'homme vertueux est donc celui qui se plie de bonne grâce à l'état des choses existant. Au XVIIIe, on commence à penser que le monde peut changer, de sorte que l'homme admirable est celui qui se dresse et essaie de faire évoluer les choses.

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LE MISANTHROPE OU L'ATRABILAIRE AMOUREUX - LES PERSONNAGES

Comédie, 1666

(Le terme amant/e indique celui ou celle qui éprouve un amour partagé pour une personne de l'autre sexe. Le terme était alors dénué de connotation sexuelle.)


-  Alceste, amant de Célimène :
Alceste se fait un devoir de toujours dire la vérité, d'être transparent en tout temps. Il est toujours sincère, peu importe le contexte, ce qui lui cause quelques problèmes...
Alceste est bien dans la ligne des héros moliéresques vivant une contradiction intime - bien que misanthrope, il est amoureux d'une coquette - mais il est le seul des personnages de Molière dont le défaut corresponde à l'excès d'une qualité : l'exigence morale.
Alceste refuse le mensonge et l'hypocrisie des usages mondains, conteste au nom de la sincérité l'ensemble des mœurs de son temps, et déclare éprouver "une effroyable haine" pour la nature humaine.
Molière dépeint ses travers, ses dépits et ses limites, autant que sa vertu : ce héros s'insurge contre ce qui le touche personnellement, comme son procès ou l'attitude de sa maîtresse, mais il ne s'élève jamais jusqu'à une méditation philosophique sur la nature de l'homme.
Il veut, en quelque sorte, jouer un personnage trop grand pour lui : "Je veux qu'on me distingue", telle est sa préoccupation secrète.
Son tempérament est dominé par la bile noire ou atrabile. Alceste, habité par une extrême tension, ne sait ni dialoguer, ni faire sa cour. Plutôt neurasthénique, il réagit mal aux déceptions de la vie, a de "brusques chagrins", des réactions contradictoires et inconsidérées, des violences verbales et des faiblesses.
Alceste ne manque pas d'un certain panache, quand il se redresse et reprend l'avantage sur ceux qui l'entourent.
Il présente une ambiguïté : par ses discours extravagants, il se couvre de ridicule et on rit de ses excès, mais il suscite la compassion et devient un personnage pathétique par ses souffrances et son déchirement.

-  Philinte, ami d'Alceste :
Philinte est équilibré et fait preuve de bon sens. Sans se perdre en flatteries, il n'est toutefois pas toujours sincère, car pour lui cela est simplement impossible. Il n'apprécie pas l'extrême franchise d'Alceste, mais reste fidèle à son ami.
Philinte est avant tout le confident. Il a cependant le grand mérite de n'être pas aveugle, et, bien que son réalisme le rende tout aussi pessimiste qu'Alceste sur la nature humaine, il accepte avec lucidité et courage le monde tel qu'il est. Cela le conduit parfois à la médisance, voire à la flatterie. Mais dans l'ensemble, s'il se conduit avec tact et bon sens, c'est qu'il a dépassé la phase de rejet que connaît Alceste.
Il semble affranchi d'amour-propre, agit avec patience, discrétion et générosité, comme lorsqu'il s'efface devant son ami.

-  Oronte, amant de Célimène :
Il devient rival d'Alceste alors que ce dernier critique un sonnet qu'il a écrit. Cette rivalité se confirme quand Alceste apprend d'Arsinoé que Célimène a un penchant pour Oronte.

-  Célimène, amante d'Alceste :
Célimène est connue pour ses médisances et sa coquetterie. Elle n'hésite pas à flatter les personnes de son entourage lorsqu'elle est en leur présence. Elle est l'exemple même de l'hypocrisie. Alceste reconnaît ces défauts, mais il en est tout de même amoureux.
Célimène est l'exacte antithèse d'Alceste : vie mondaine, art et besoin de plaire, tout ce que condamne Alceste, son amant. Refusant d'appartenir à un seul homme, elle craint de ne pas être assez entourée et éprouve le besoin constant d'être au centre d'un cercle de soupirants.
Complètement extravertie, elle est en perpétuelle représentation, tire ainsi son existence des autres, et Molière, fidèle à son habitude, nous laisse logiquement tout ignorer de son intériorité, au point qu'on ne sait pas si elle est lucide ou inconsciente.
À l'ennui qu'elle redoute par dessus tout, elle préfère l'illusion du bonheur, l'instant de plaisir, ce qui ne l'empêche pas de médire des habitués de son salon.

-  Éliante, cousine de Célimène :
Éliante est la sagesse même. Elle conseille à Célimène de faire preuve de franchise lorsque celle-ci doit choisir entre ses amants. Philinte et Alceste apprécient ses qualités et penseront tous deux à la marier. C'est finalement Philinte qui aura sa main.
Éliante ressemble à Philinte, et ce n'est pas un hasard s'ils forment un couple. En pratiquant "l'éthique du don [...] l'effacement du moi devant autrui", elle se montre encore plus bienveillante que Philinte. À la fois brillante, perspicace et sensible, parfaitement loyale, elle cherche avant tout le bonheur d'Alceste et refuse un engagement dicté par le dépit.
Ce personnage, qui n'a que des qualités, constitue, à n'en pas douter, un modèle de l'idéal de l'honnêteté s'opposant en tous points à l'art de plaire pratiqué par les autres personnages de la pièce.

-  Arsinoé, amie de Célimène :
Invoquant l'amitié qu'elle porte à Célimène, Arsinoé avertie son amie que sa réputation a été salie. Son but n'est pas tant de rendre service que de faire du mal.

-  Acaste et Clitandre, prétendants de Célimène :
Les "petits marquis" sont jeunes, désœuvrés et vaniteux.

Le reste des caractères du Misanthrope représente bien le grand monde du règne de Louis XIV, monde distingué, mais frivole et bouffi de vanité. Les petits marquis appartiennent à la plus haute aristocratie. La tyrannie dévastatrice de l'amour-propre est admirablement illustrée par Oronte et son attitude à l'égard d'Alceste. Quant à l'hypocrisie, la prude Arsinoé y est passée maîtresse.

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LE MISANTHROPE - RÉSUMÉ DE LA PIÈCE

Acte 1

Dans le salon de Célimène, Alceste, le misanthrope, reproche à son ami Philinte sa complaisance et l'amabilité artificielle qu'il témoigne à tous ceux qu'il rencontre.
Il plaide pour une sincérité absolue en toutes circonstances et critique avec véhémence l'hypocrisie et les politesses intéressées.
Ce combat dans lequel il s'investit, et qu'il a toutes les chances de mener en vain, lui vaut d'éprouver une grande haine pour l'humanité.
Philinte s'étonne, qu'avec de tels principes, son ami puisse aimer la coquette Célimène.
Sincère jusqu'au bout, Alceste avoue à son ami qu'il vient justement trouver Célimène pour avoir avec elle une discussion décisive.
Surgit alors Oronte, un gentilhomme vaniteux venu consulter Alceste sur un sonnet dont il est l'auteur.
Alceste se retient autant qu'il peut, mais après quelques hésitations, il s'exprime avec une franchise brutale : ce sonnet ne vaut rien.
Les deux hommes se fâchent.

Acte 2

Alceste a un entretien houleux avec Célimène. Il lui reproche d'avoir de trop nombreux prétendants.
Célimène l'assure de son amour mais Alceste fait une crise de jalousie .
Froissée, la jeune femme coupe court à l'entretien.
Un valet annonce l'arrivée d'Acaste et de Clitandre, deux "petits marquis".
Leurs médisances inspirent Célimène qui dresse avec brio et cruauté un portrait très drôle de plusieurs absents. Ce qui lui vaut un certain succès auprès de ses visiteurs.
Alceste reproche à ces deux importuns de flatter l'humeur railleuse de Célimène, et se couvre de ridicule.
Il est bien décidé à attendre le départ de ces marquis, mais un garde fait son apparition : la querelle avec Oronte s'envenime, Alceste est convoqué au tribunal des maréchaux.

Acte 3

Acaste se montre très satisfait de lui et confie à Clitandre la fierté qu'il éprouve de se sentir autant aimé par Célimène. Ils se découvrent rivaux auprès de Célimène et tous deux sont convaincus de pouvoir en apporter rapidement la preuve.
Ils s'engagent à être loyaux : celui qui le premier obtiendra une preuve décisive pourra exiger de l'autre qu'il se retire de la compétition. Célimène revient et on la prévient de l'arrivée de la prude Arsinoé.
Avec une complicité faussement charitable, elle informe Célimène, de la fâcheuse réputation que suscite sa coquetterie. Célimène lui répond sur le même ton, en lui indiquant que sa pruderie et son austérité ne sont guère appréciées.
Piquée au vif, Arsinoé bat en retraite et profite d'un tête-à-tête avec Alceste, qu'elle aime en secret, pour le détourner de sa rivale : elle lui promet de lui apporter la preuve de la trahison de la jeune femme.

Acte 4

Eliante, cousine de Célimène, et Philinte discutent d'Alceste et évoquent son singulier caractère.
Eliante avoue à Philinte qu'elle aime Alceste et Philinte lui avoue, que tout en respectant les sentiments qu'elle éprouve pour son ami, il espère qu'un jour elle l'aimera comme lui l'aime.
Alceste, de son côté, est révolté par une lettre que Célimène a adressée à Oronte et qu'Arsinoé lui a montrée. Se croyant trahi par celle qu'il aime, il se tourne vers Eliante et lui demande de l'épouser.
Célimène parait. Elle subit les plaintes de son amant qui l'accuse de trahison mais parvient à retourner la situation à son avantage.
La colère d'Alceste finit en déclaration d'amour.
Leur réconciliation est interrompue par un valet qui vient chercher Alceste de toute urgence et l'informe des conséquences fâcheuses de son procès.

Acte 5

Alors qu'il avait toutes les raisons de gagner son procès, Alceste l'a perdu.
Cette fois, il décide de renoncer définitivement à la compagnie des hommes et souhaite avoir une dernière entrevue avec Célimène.
Apparaissent Oronte et Célimène. Alceste se joint à son rival pour exiger de la jeune femme qu'elle choisisse entre eux deux.
Puis c'est au tour d'Acaste et de Clitandre, accompagnés d'Arsinoé. Ils ont chacun reçu une lettre de Célimène où elle se moque tour à tour de chacun d'eux. La lecture de ces lettres confond Célimène.
Clitandre, Acaste et Oronte se retirent en l'accablant de leur mépris.
Alceste, lui, accepte de lui pardonner, à condition qu'elle s'engage à le suivre. Célimène refuse. Alceste part seul, non sans avoir approuvé l'union d'Eliante et de Philinte.

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Tartuffe : Satire de la fausse piété. Spectacle dans lequel les dévots sont présentés soit comme des ridicules (Orgon) soit comme des hypocrites (Tartuffe).
Louis XIV, qui avait applaudi la pièce à Versailles, dut se résoudre à interdire à Molière d'en donner des représentations publiques : l'Église et les dévots accusaient Molière d'impiété et lui reprochaient de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants.
Molière entreprit de remanier la pièce pour la rendre moins provocante, tout en composant et créant plusieurs autres pièces célèbres : Dom Juan en 1665, puis Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux en 1666.
Ce n'est qu'en 1669 que la pièce - désormais appelée Tartuffe ou l'Imposteur - fut autorisée et connut un immense succès.

Atrabilaire : Facilement irritable, sombre et coléreux.
Molière, frappé par la maladie vers 1664 et marqué par l'affaire du Tartuffe, souffre d'une sorte de dépression nerveuse qui altère son humeur et le jette dans de violentes colères.

Atrabile : Bile noire qui, dans la médecine ancienne, passait pour causer la mélancolie et l'instabilité.

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LE MISANTHROPE

Source : http://www.toutmoliere.net/notice,405468.html

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