Des clés qui en connaissent un rayon...
Un texte de Ève L'Hermite-Nugues
 Et d'une, vous le connaissez, et de deux, c'est ainsi que mes fils me surnomment affectueusement ! Tout ça pour vous dire qu'aujourd'hui encore je n'ai pas démérité du brave Professeur... En sortant ma bicyclette toute étincelante du petit garage à vélos que nous avons en bas de notre résidence, et occupée à l'admirer et à faire les vérifs d'usage : niveau d'huile, eau (euh, nan, je me trompe, faut dire qu'elle est toute neuve, alors je la bichonne : une bicyclette : ça se cadre !) je ferme la porte. Enfin... à ce moment là, je l'ai cru... Nous sortons toutes les deux, toute contentes et fières de rouler ensemble complètement gonflées à bloc. Au bout d'un petit km, nous nous arrêtons pour tenter un petit loto... Bah, pourquoi pas, hein ? Je laisse ma monture bien attachée à l'extérieur, tout en jetant un oeil inquiet dessus quand même... Je ressors. Je remonte en selle et hop, direction le supermarché de mon quartier. Quelques bricoles à prendre et puis le plaisir surtout de déposer quelques petites choses dans mon joli panier posé sur mon guidon... Mais tout de même, quelque chose me tracassait... En ouvrant mon sac pour régler mes achats, je remarque que les clés de mon appartement n'y sont pas ! Affolée, je vide tout, mais j'ai beau fouiller, farfouiller et refarfouiller... RIEN ! Pourtant j'insiste : comme s'il y avait des poches mystérieuses, que je ne soupçonnais pas, planquées dans mon sac ! Punaise ! Hop ! Au galop ! Demi-tour, droite ! Retour, le nez sur l'encolure, face au vent (qui, bien sûr, n'est pas une simple bise aujourd'hui...) ma monture hennit de protestation, mais qu'à cela ne tienne ! Je ne voyais que mes clés à atteindre et elles allaient être là, c'est sûr, sur le comptoir où je les avais laissées, lorsque j'avais pris mon billet de loto. Essoufflée, échevelée, énervée, angoissée, je débarque, les jambes en marmelade et, la parole suppliante, l'oeil interrogatif, je demande en tremblant : "- Avez-vous vu un jeu de clés posé sur votre comptoir ?" Et là, cruelle, la vérité toute nue éclate : "- Ah non, madame, désolée, je n'ai pas vu de clés !" C'est l'instant... comment dire... c'est l'instant terrible où la déception est totale et où tout va très vite dans la tête ! L'instant où vous hurlez en vous-même : "Comment vais-je faire pour rentrer ? Qu'est-ce que j'en ai fait, bon sang !" Puis dans le même temps, vous essayez de refaire mentalement les gestes que vous avez effectués en partant, à partir du moment exact où vous quittez la maison. Le problème est que pour les professeurs Tournesol comme moi, ce n'est pas simple du tout... Un moment de flottement, de perdition totale est en train de régner. Grand moment de solitude. Et ce leitmotiv : " Où sont-elles, où sont-elles ?" Puis, puis... tout de même, une lueur, oh, bien faible, pointe le bout de son rayon. Et si... Hop ! La galopade en sens inverse est repartie ! Cette fois le vent dans le dos, c'est tout bon ! Crinière au vent, l'espoir devant, en quelques coups de pédales vaillamment données, nous voilà enfin devant notre écurie ! Et là, derrière la porte vitrée de la Résidence... que vois-je, posées sur une sorte d'étagère dans le hall : mes adorables clés, soutenues par un tout petit mouton à la laine pas très fraîche, qui me souriaient largement ! Un voisin est venu m'ouvrir et ce sont mes clés qui ont sauté sur moi ou moi sur elles, je ne sais plus ! La joie des retrouvailles a été si forte ! En fait, je les avais laissées sur la serrure du-dit garage, porte grande ouverte en plus, et c'est un de mes voisins qui les avait retirées ! Voilà toute l'histoire et des comme ça j'en ai pas mal, hélas, à mon palmarès ! Moralité : la clé de cette histoire est qu'elle ne manque pas de souffle ! |
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