Par Renée Elkaïm-Bollinger.
"Dans l'ensemble cet homme est fait de dynamite dont les explosions sont hâlées de douceur calme" écrivait Nicolas de Staël à Jacques Dubourg en 1951.
Dynamite et douceur, fragilité et robustesse, fureur et mystère, on imagine le choc des contraires d'où "jaillit la foudre au visage d'écolier".
On peut vivre les poèmes de René Char comme des déflagrations ; alors on mesure l'espace infini entre un texte comme Affres, détonation, silence, de l'homme en résistance et l'auréole légère, du poème, Congé au vent : "elle s'en va le dos tourné au soleil couchant" et "On marchera aussi sur ces chemins" aux herbes engourdies face au mont Ventoux, ou bien près de la Sorgue, ou encore vers le "village perché".
Avec Claude Lapeyre, qui fut le compagnon attentif de ces trajets dans les garrigues, à Pernes-les Fontaines, et près de l'Isle-sur-la-Sorgue, on captera l'air très matinal d'une Provence âpre ; à l'écoute du martin-pêcheur, ou bien de l'alouette, "extrême braise du ciel et première ardeur du jour".
René Char, en résistance s'appelle Alexandre ; il a rejoint le maquis près de Cereste, "pareil, dit-il, à un chien enragé, enchaîné à un arbre plein de rires et de feuilles" ; on entendra sa voix sonore saluer à la radio, ses compagnons exécutés.
"J'étais un révolté et je cherchais des frères" et parmi ces frères, ces "alliés substantiels", comme il les nommera, il y a aura Georges Braque, Victor Brauner, Man Ray, Picasso, Veira da Silva, Nicolas de Staël, tous réunis dans l'atelier du poète.
L'oeuvre poétique de René Char est paru dans la Pléiade (Gallimard)