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Nous allons écrire ensemble...

4ème histoire :

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bouton   Texte proposé par monique szczebara

Chapitre 1

C'était l'été, il faisait nuit et j'étais seule. Bien sûr, cela m'arrivait souvent depuis qu'il était parti, mais ce soir-là je ne me sentais pas tranquille. En fait je n'arrivais pas à définir pourquoi, le vent peut-être ou bien ce coup de téléphone.
J'étais assise au salon en train de regarder une série idiote à la télé quand on sonna. Je me suis levée pour répondre mais quand j'ai décroché, rien. J'ai pensé qu'il s'agissait d'une erreur. Comme j'étais debout, j'en ai profité pour aller me chercher un verre d'eau à la cuisine.
J'ai toujours soif quand il y a du vent.
J'étais à peine arrivée à la cuisine que ça sonnait de nouveau. J'ai répondu de la cuisine. Cette fois, une voix à peine audible a dit : "ne quittez pas on vous passe votre correspondant".
J'ai attendu mais rien. Alors j'ai raccroché et depuis je sursaute au moindre bruit...
(monique szczebara)

Je décidais d'aller me coucher. J'étais en train de me brosser les dents lorsque la sonnerie du téléphone retentit à nouveau. Tout comme précédemment, une voix tamisée me dit de rester en ligne et, deux ou trois minutes après, on raccrocha...
"Quelqu'un me fait une farce !" ai-je pensé, sans avoir trop envie de rire. Le vent soufflait en rafales à présent et faisait claquer les volets en soulevant les rideaux.
(Naïma)

Bien sûr, c'était une farce. Je décidai donc d'aller me coucher comme si de rien n'était.
(monique szczebara)

C'est en passant devant la fenêtre de ma chambre que je remarquai la personne dans la cabine téléphonique située juste en face de chez moi. Je n'arrivais pas à voir si c'était un homme ou une femme. Il ou elle était en train de composer un numéro et avait posé l'écouteur sur son oreille. La sonnerie du téléphone me fit sursauter et mon coeur battit la chamade. Impossible pour moi de bouger, j'avais l'impression d'être clouée sur mon parquet, je ne pouvais que regarder la cabine téléphonique. Il ou elle raccrocha le combiné et, aussitôt, la sonnerie s'arrêta.
Qui était-ce ? L'ombre ne quittait pas la cabine. Si je m'habillais en vitesse, je pourrais descendre les deux étages assez rapidement. Mais si il ou elle quittait la cabine pendant ce temps-là ?
Il fallait que je reste là, à regarder une ombre qui, à nouveau, décrocha le téléphone.
(Béatrice)

Je décidais d'aller me coucher comme si de rien n'était.
Mais une image me vint à l'esprit, puis une autre... C'est toujours comme ça quand je commence à angoisser. Des images défilent dans ma tête, toutes plus stressantes les unes que les autres ; une lutte, du sang, un fossé, un corps. Mon corps. À ce stade de panique plus question de me coucher, mon imagination prend le dessus sur ma raison et une seule idée me martèle l'esprit : me mettre à l'abri. Rejoindre ma chambre et m'y enfermer. Mais une fois cloitrée dans 10m², ne laisserais-je pas à l'inconnu le moyen de se cacher dans le salon et de m'attendre patiemment, une lame scintillante à la main ?
Non, pas question de prendre ce risque. D'autant plus que Carol et Patrick, les voisins du dessus, sont partis en week-end, que Mme Gringet, la mamie du dessous, est sourde, et que, cette fois, Richard ne reviendra pas. Personne pour entendre mes cris de terreur et me porter secours. Et qui appeler ? Police secours ? Pour qu'ils me prennent pour une folle ! Mes amis ? C'étaient ceux de Richard, et, depuis notre rupture, aucun d'eux n'avait pris la peine de prendre de mes nouvelles.
C'était dingue, je n'allais tout de même pas céder à la panique si facilement. Il fallait que je me reprenne. Oui, j'irai me coucher, et non, je ne me laisserai plus polluer l'esprit par un éventuel pervers au téléphone ! Et puis, qui parlait de pervers ? Ces appels étaient peut-être une fâcheuse coïncidence. J'entrais dans ma chambre et
(Elorac)
  je jetais un dernier coup d'oeil furtif sur la rue. Personne à l'horizon, juste le chat noir de la bouchère qui se délectait d'une poubelle renversée par le vent. Alors que je tournais les talons, j'aperçus une silhouette frôlant le mur de l'immeuble où était plantée la cabine. Un homme ! Cette fois, pas de doute, c'était bien un homme. De corpulence moyenne, lunettes noires aux verres arrondis, pointes de cheveux dépassant d'un Panama et vêtu d'un imper beige dégueu. Les chaussures ? Pas eu le temps de les voir, juste blanches. Qui, de ma connaissance, s'accoutrerait comme cela, un jour de tempête ?
À part Johnny Depp, je ne vois pas ! Et puis qu'est-ce que JD viendrait faire au fin fond de ce trou ? Même moi je me demandais pourquoi rester dans ce bled. Alors lui ! Et si c'était lui, que me voudrait-il ? J'étais à l'antipode de sa Vanessa ; ronde à forte poitrine, 1m60 à tout casser pour 56 kilos bien mérités depuis que je m'étais fait plaquer, aucun don pour la musique bien que j'adore chanter (là ça nous faisait un point commun), et fauchée comme les blés !
J'abandonnais vite cette piste, la larme à l'oeil, quand un détail me revint à l'esprit. Comment, d'une cabine téléphonique, peut-on mettre en attente un appel ? À part en PCV, et je ne sais pas si cela existe toujours, ou encore dans le sketch du 22 à Asnières de Fernand Raynaud. Quelque chose clochait depuis le début et je m'étais laisser prendre au piège. Qui pensait pouvoir me faire perdre la tête avec ce petit jeu ? Au siècle des portables, qui viendrait un soir de déluge, juste au pied de mon immeuble, dans une cabine à carte pour me harceler ? Et pourquoi ? 
(Elorac)

Et qui donc avait le courage de sortir par un temps pareil, alors que la tempête faisait rage et que la neige commençait à tomber ?
J'en eus soudain la chair de poule. Il fallait absolument que je me calme. Ce n'était sans doute qu'une mauvaise plaisanterie ou le fait du hasard. C'était un cauchemar, j'allais me réveiller...
Mon nez se mit soudain à saigner, c'est toujours comme cela quand j'ai peur, la cicatrice d'une vieille blessure sans doute bien ancrée dans mon subconscient. Depuis que Richard m'avait quittée, cela m'était arrivé une dizaine de fois. Je devais bien reconnaître que c'était mon amour-propre qui était le plus atteint car je ne l'aimais déjà plus. Il avait seulement pris les devants.
J'appliquais un mouchoir sous ma narine sanguinolente, allais fermer les épaisses tentures assorties à mon couvre-lit et quittais ma chambre d'un pas que je voulais assuré malgré ma tête inclinée vers l'arrière. Dans la cuisine j'ouvris le robinet d'eau froide, humectais une serviette de table que j'appliquais sur mon front. Je branchais la bouilloire électrique, sortis de l'armoire un mug et le coffret à tisane que Richard m'avait offert car nous aimions déguster ensemble, après l'amour, une infusion de plantes.
Je venais de plonger un sachet de "NUIT TRANQUILLE" quand j'eus l'impression de voir une ombre se faufiler sur mon balcon. Ce n'était que mon reflet. Je baissai rapidement le store quand des coups résonnèrent à ma porte. 
(Clothilde)

J'aurais alors aimé appeler ma mère ou plutôt hurler "MAMAN !" pour qu'elle apparaisse et gère la situation. C'est sûr, elle aurait aussi sec ouvert la porte, la clope au bec... (oui, car maman est une grande fumeuse) et, d'une voix posée, en se tournant vers moi, elle m'aurait demandé : "Y z'ont pas de maison ou quoi ? C'est quoi ce bordel ?"
Maman et moi, on est comme le Yin et le Yang. Tout nous oppose mais l'une sans l'autre il nous manque quelque chose. D'ailleurs, je pense parfois que le départ de Richard coïncide bizarrement avec la rencontre de maman.
Tu parles d'une "Nuit tranquille" ! Il n'y a que les marchands de tisanes pour inventer des noms pareils. Lentement, je m'approchai de la porte, y collai mon oreille et fut tenter de jeter un oeil par le judas... juste tentée, car l'image d'un calibre me transperçant l'orbite me fit reculer d'un pas chassé sur le côté.
"Oui ? C'est pourquoi ?"
Mon nez me trahit de nouveau et je sentis une tiède caresse glisser sur mes lèvres... "Et merde, ça recommence !" pensai-je en m'essuyant d'un revers de manche.
"Qui est là ?". Ma patience avait atteint ses limites et mon côté Yang se faisait sentir. "C'est bientôt fini ce b..." Quand soudain je reconnus la petite voix de Madame Gringet. Ça m'étonnait toujours qu'elle parle si doucement. J'étais habituée à un grand-père ayant perdu l'oreille mais pas la voix. Je dirais même que plus il devenait sourd, plus le volume de sa voix augmentait ! À demi rassurée, j'ouvris la porte et je la vis. Tremblante, elle essuyait ses jolis yeux bleus de son mouchoir en coton – une autre époque à l'ère du jetable - et je compris que l'heure était grave.
- Qu'est ce qui se passe, Madame Gringet ? C'est vous qui tambourinez à ma porte comme ça ?
- Non, non...
- Allez, entrez... Je me faisais une tisane, dis-je d'un ton qui se voulait rassurant. Vous en voulez ? Asseyez-vous là... C'est bien. Ca va mieux ? Qu'est-ce qui se passe ? 
(Elorac)

Je scrutais ma voisine en attendant qu'elle décroche son premier mot. Nous nous étions souvent croisées dans la cage d'escalier, saluées avec politesse. Lorsque j'avais un peu de temps je lui demandais des nouvelles de son chien, Victor (elle avait donné le nom de son mari défunt à son chien, c'est glauque, mais c'est la vie), un court sur pattes malodorant qu'elle semblait adorer. Elle était intarissable à son sujet. Pourtant ce soir j'avais l'impression de la voir pour la première fois. Elle devait avoir autour de 80 ans, la tête blanche toujours bien coiffée, le nez droit, les pommettes encore bien dessinées, les yeux verts légèrement délavés par une cataracte sûrement diagnostiquée. Je me dis qu'elle avait dû avoir du succès dans sa vie de femme. C'est alors que mes yeux se fixèrent sur ses lèvres qu'elle se mit soudain à mordiller comme une enfant qui aurait quelque chose "d'inavouable" à avouer :
- Je suis désolée de vous déranger de la sorte... Vous savez, ce n'est pas mon habitude, mais... j'ai peur...
Les mots arrivaient avec difficulté. Ca y est, j'y suis ; elle a vu ce dingue dans la rue et elle ne sait pas comment me prévenir d'un danger imminent ! Si ça se trouve il l'a aussi appelée. Ce sadique s'en prend maintenant au troisième âge ! C'est limite humiliant, me dis-je, honteuse de cette dernière pensée.
- Cela fait plusieurs semaines que je reçois des lettres anonymes, poursuit-elle. J'ai pensé que j'avais à faire à un malade, mais ce soir, en rentrant de la promenade de Victor, j'ai retrouvé une lettre sous ma porte... Vous vous rendez compte ? il est monté jusqu'à mon appartement...
Fouillant la poche de sa robe de chambre, elle sortit une enveloppe et me la tendit :
- Je suis incapable de vous en faire lecture. C'est trop horrible...
Les larmes glissaient dans les sillons de ses joues. Je tenais maintenant l'enveloppe du bout des doigts, les yeux rivés sur la missive. Qu'est-ce-que c'est que cette histoire ? Les mots me manquaient pour réconforter madame Gringet, j'étais moi-même à peine remise de ce début de soirée digne d'un polar à 4 sous ! Et vlan, j'y replongeais du 10 mètres ! Il fallait bien que je réagisse. Je sentais qu'elle m'observait. J'ouvris l'enveloppe, dépliai la lettre et fus surprise. Je m'attendais à des mots découpés et collés, comme dans les séries TV ou alors à une page dactylographiée. Pas du tout ! Une écriture d'enfant ! C'était encore plus obscène. Je repris mon souffle et lus à haute voix :
"Mamie, je t'é demandé plusieurs fois de te débarrasé de ton cha et de ton sale chien. t'as rien voulu savoir. alors je tien a de dire que le chat cé fait, il est pas perdu. je vais t'avoué qu'il a été dure a noyer mais finelemnent il a coulé. il reste ton chien. je vé m'en chargé ! plus de Victor. Signé: Le netoilleur."
Je restais scotchée, une seconde lecture était indispensable pour déchiffrer cette écriture de CP truffée de fautes. J'avais dû louper quelque chose, j'avais sûrement mal compris... mais non.
- Madame Gringet, qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et votre chat, je croyais qu'il était rentré... depuis combien de temps ça dure ? Non, ne pleurez pas. Faut appeler la police, c'est tout, non ? Vous ne pouvez pas ? Mais pourquoi ?
Je suis dans la troisième dimension, me dis-je. On ne voit cela qu'à la télé, c'est fou cette histoire. Que lui dire ? Qu'effectivement elle a affaire à un taré et qu'il risque de lui empailler son chien ?
- Écoutez, madame Gringet, on va se calmer. Je vais me faire un café... aux chiottes, la tisane de Richard ! lançai-je en me levant d'un bond. Excusez-moi, mais cette histoire mérite que nous nous creusions la tête et la tisane ça endort les neurones ! Ne vous inquiétez pas. On va élucider tout ça ! 
(Elorac)

Madame Gringet entra et sembla enfin plus détendue. Elle esquissa même un sourire réconforté et me lança :
- Ne jetez pas votre tisane... Si cela ne vous fait rien, j'en prendrais bien une tasse...
Je me mis à rire : allons bon, l'heure était à la détente et à la complicité. Nous nous installâmes dans le salon, elle, avec sa tasse de "Nuit tranquille", et moi, avec un bon café fort. Le vent ne soufflait quasiment plus. Une douceur ouatée nous enveloppait. Toutefois, la lettre anonyme me tracassait :
- C'est sûrement un gosse, un ado, vu l'écriture ! Si ça se trouve, c'est un canular... de bien mauvais goût ! Quoi qu'il en soit, demain je vous accompagnerai à la police et vous déposerez plainte. Vous soupçonnez quelqu'un ?
- Non, pas du tout. Ce qui est bizarre, c'est que mon chat est mort la semaine dernière. Il était vieux et malade depuis longtemps. Le pauvre... J'ai dû l'amener chez le vétérinaire...
Voilà qui était inattendu ! Nous avions affaire à un sale gosse, nul en orthographe, affabulateur, et certainement peu futé !
- Tout de même, il menace aussi votre chien, Victor... Un jeune du quartier ou de la maison ? 
(Naïma)
On peut, bien sûr, éliminer le voisin du rez de chaussée. Impossible qu'il soit lié à cela, il est si sympa...
Je me sentis troublée rien qu'à l'évoquer. Ce beau voisin sombre et romantique, au sourire si chaud, hantait mes pensées depuis quelque temps déjà. Bah ! Ne nous attardons pas sur ce délire...
Je me raclai la gorge en soupirant et me tournai à nouveau vers madame Gringet : 
(nikibar.com)

- Il y a bien les deux soeurs Boquelin... De vraies chipies !
- Oh ! La plus âgée a à peine sept ans !
- Les enfants des Martin ?
- Impossible : ils adorent Victor et sont si bien élevés !
Nous finissions de boire. Il était tard, presque minuit. J'étouffais un bâillement et madame Gringet fit un geste pour se lever. Cette étrange soirée touchait à sa fin. Demain sera un nouveau jour, nous aurons les idées plus claires, et nous pourrons agir. Je débarrassai la vieille dame de sa tasse vide afin de l'aider à se mettre debout.
C'est alors que l'on sonna à la porte...
Le temps se figea. Mon coeur se mit à battre furieusement. Madame Gringet sembla pétrifiée et resta la bouche ouverte, le bras tendu en l'air... Après quelques secondes longues comme une nuit polaire, je finis par retrouver un peu de lucidité et m'approchai de la porte d'entrée. On ne pouvait rien discerner pas le judas, nulle lumière n'éclairait l'extérieur. Je croassai un inintelligible et chuintant "Qui est là ?" Aucune réponse. Je mis la chaîne, sécurité oblige, et, retenant mon souffle, j'ouvris la porte, prudemment, lentement. La lumière de l'entrée suffisait pour éclairer le palier : personne.
C'est alors que madame Gringet poussa un petit cri. Elle avait fini par réussir à se redresser et venait me rejoindre. Elle désignait, juste à mes pieds, une enveloppe claire que quelqu'un avait glissée sous le chambranle... 
(Naïma)

Nous nous sommes longuement regardées et je constatai que madame Gringet était livide. Je refermai vivement la porte et fis tourner la serrure avant de me saisir de l'enveloppe. La vieille dame s'était déjà rassise et je m'installai à côté d'elle. Il n'y avait rien d'écrit sur l'enveloppe. Je la décachetai avec soin avec un coupe-papier en forme de sabre.
Une ambiance hitchcockienne planait. Les gestes devenaient lourds et lents, l'éclairage faiblissait, les couleurs des murs s'assombrissaient, le silence s'épaississait et les sourds crépitements que firent le coupe-papier pour éventrer l'enveloppe déchirèrent le salon... 
(Naïma)

Dans l'enveloppe, il y avait un feuillet plié en quatre. Je le dépliai avec précaution comme s'il allait exploser. Madame Gringet fixait mes gestes en retenant sa respiration. Elle ajusta la monture de ses lunettes sur son nez et se pencha sur mon épaule pour mieux voir. 
(Communication)

J'ai toujours détesté qu'on lise par-dessus mes épaules, c'est désagréable. Et puis c'est indiscret ! Imaginons que ce soit un billet doux, que Richard, finalement repentant, me supplie de lui pardonner sa lâcheté, qu'il y avoue ne pouvoir oublier les courbes et la douceur de mon corps, que sans moi sa vie a le goût d'un soda éventé... On peut tout imaginer par des soirées pareilles ! Après tout, ce n'est pas plus improbable que de recevoir une menace de mort à l'encontre d'un animal à quatre pattes !
Je me calai au fond du canapé, ramenai mes jambes sous mes fesses, histoire de mettre de la distance entre elle et moi, et dépliai lentement ce chiffon de papier, maintenant hors de portée de sa lecture.
- Qui peut encore plier une lettre en quatre sinon un souillon ? Cela ne vous choque pas Madame Gringet ? Je ne serais pas étonnée que ce soit le même sale gosse qui cherche à étriper Victor... Non, pardon, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire... Allez, calmez-vous, sinon...
- Sinon quoi ?
- Sinon... repris-je, l'esprit complètement anesthésié par les mots qui couraient sur le papier. Sinon...
Non, je ne pouvais décidément pas lire à haute voix cette horreur, et elle sentit mon malaise.
- S'il vous plaît, mademoiselle Gigi, dites-moi ce qui se passe ? C'est encore au sujet de mon chien ?
Son chien, son chien... Cette soirée commençait à m'irriter. Y'en a que pour son clébard ou quoi ! Désolée, mais moi j'ai les chiens en horreur. Bien sûr, ce sont des choses qui ne se disent pas en société. Ça pue. Ça aboie pour un oui pour un non. Ça fourre sa truffe partout et ça pisse à tout bout de champ. En plus, et je l'ai vérifié plusieurs fois, ça ne porte pas bonheur ! Pied gauche, pied droit c'est du pareil au même. Victor n'échappait pas à la règle.
- Non, c'est pire, répondis-je agacée. Cette fois, c'est moi qui suis visée...
Une montée d'angoisse me serra la poitrine. La missive était brève : "Ne te mêle plus des afères dè zotres. Vire la Mamie. Ta vie ne tien plus qu'à un fil. Signé le netoilleur".
Je racontai alors à mon amie d'infortune mon début de soirée, ces appels anonymes, cette silhouette entraperçue au coin de la rue. S'ajoutaient à cela nos deux invectives. Plus question de parler de hasard. Nous tombâmes rapidement d'accord sur le fait que "le netoilleur" cherchait à nous effrayer ! Mais pourquoi ? Je relus les gribouillis un à un, mon alliée ne s'en sentant pas la force, cherchant un indice...
- Madame Gringet, nous pouvons à présent exclure de la liste des suspects l'idée du sale gosse. Toutes les erreurs orthographiques sont feintes, la preuve en est l'accent circonflexe sur le verbe mêler ; la nouvelle génération ne pige rien aux accents, et encore moins aux accords ! Je suis certaine qu'on a affaire à un adulte... un dingue.
Forte de ma trouvaille, je me levai pour aller chercher une vieille cigarette que j'avais planquée en cas de coup dur (oui, j'avais arrêté de fumer depuis quelques semaines et j'étais à cran), quand mon coeur s'arrêta de battre, ou presque.
- Il nous espionne. Comment sait-il que vous êtes chez moi ? susurrais-je.
- Comment ? Quoi ? Parlez plus fort ma fille, je n'entends rien...
- Écoutez-moi bien Madeleine, je peux vous appeler Madeleine ? Merci. Il nous faut savoir si nous sommes les seules de l'immeuble à subir ce stress. Nous allons appeler tous les copropriétaires et leur demander s'ils n'ont rien vu ni entendu de suspect. Je me charge des Boquelin, des Martin et du vieux Rigonard. Pas besoin de joindre les Joubert, ils sont en voyage. Restera le nouveau locataire du rez-de-chaussée. Il n'a pas le téléphone. Je le sais parce qu'il n'y a jamais eu de ligne dans cette loge. On s'en chargera demain. Passez-moi mon ordi à côté de vous, s'il vous plaît. Je vais chercher leur numéro sur Internet. Merci.
- Mais... ce n'est pas un peu tard pour téléphoner ?
- Madeleine, nous n'avons pas le choix. D'ailleurs, je me demande s'il ne faudrait pas d'abord appeler la police...
- Non ! Pas la police !
Elle m'avait répondu du tac au tac ! 
(Elorac)
.
Je la regardai avec plus d'attention. Aucun doute : le mot "police" avait produit sur elle un effet considérable. Tout en tripotant nerveusement son mouchoir en coton, son regard papillonnait sur les objets de la pièce en évitant soigneusement le mien, se posait une brève seconde ci ou là, pour s'envoler à nouveau et frôler un autre point de vue.
- Madeleine !
Elle avait sursauté : j'avais presque crié son nom ! Pourquoi m'en prenais-je ainsi à elle ? Quel rôle cette femme jouait-elle dans cette comédie surnaturelle ? Elle était venue me voir, inopinément, alors que la soirée était déjà imprégnée d'un gros délire extravagant. Depuis, tout n'avait qu'empiré et, au fond de moi, je lui en voulais. Toutefois, la voir si tourmentée, pâle et effrayée m'émut. Elle semblait vulnérable comme un enfant perdu.
Je répétai, d'un ton radouci :
- Madeleine... Que se passe-t-il ?
- Je ne sais pas... Très franchement, je n'en ai pas la moindre idée, croyez-moi !
Elle semblait sincère, prête à fondre en larmes ; je ne savais plus que penser. Quelle histoire, tout de même ! Je posai le vieux mégot que j'avais failli rallumer. J'avais d'abord voulu le jeter à la poubelle, mais, de l'avoir, là, sous les yeux, me rassurait. "Il y a des moments, me dis-je, où il faut savoir accepter ses petites faiblesses..."
- Laissons tomber pour ce soir. Je vais vous raccompagner chez vous. Une bonne nuit de sommeil nous fera le plus grand bien à toutes les deux et, dès demain matin, nous essaierons de mieux comprendre tout cela...
Madeleine se leva sans mot dire. J'ouvris la porte d'entrée avec maintes précautions en surveillant la cage d'escalier, et Madame Gringet me suivit à petits pas de petite vieille. 
(Naïma)

Pas un bruit, pas une lueur. Je commençai à descendre les marches, toujours suivie de ma compagne qui poussait des petits soupirs. Nous parvînmes jusqu'à sa porte : elle était ouverte. 
(monique szczebara)

C'est à ce moment-là qu'elle changea de vitesse et, passant la seconde, elle tenta de me doubler par la droite. Un coup à perdre tous ses points !
- Merci Gigi, dit-elle, rentrez vite maintenant...
"Quelle frite, cette Madeleine ! pensai-je. Il ya encore quelques minutes elle était au bord du suicide, et là..."
"C'est toi ?" interrogea une voix quasi-inaudible. 
(Elorac)

Je restai clouée sur place dans une état proche de la panique : cette voix éteinte qui provenait de l'appartement de Madame Gringet, le comportement étrange de cette dernière... Je sentis soudain mon sang se glacer dans les veines...  
(Chloé)

Madame Granget s'empressa de refermer sa porte en me congédiant :
- Bonne nuit à vous Gigi, on reparlera de tout ça demain si vous le voulez bien.
Surprise et inquiète, je retournais dans mon appartement tout en essayant d'analyser le comportement étrange de ma voisine ; en effet, pourquoi un tel revirement de situation et surtout, à qui appartenait cette voix, comme caverneuse, qui semblait survenir du 3 pièces de madame Granget ? Qu'a-telle donc à cacher ? Perdue dans mes pensées, j'en avais oublié mon épistaxis ! Je me dirigeais en courant dans la salle de bain afin d'essuyer le sang qui avait continué de couler sur mon menton et le long du cou. 
(Vali)

Une fois dans la salle d'eau, l'image que me renvoyait le miroir ne me surprit qu'à moitié : la trace qu'avait laissé le filet de sang rouge vif sur mon visage contrastait terriblement avec la blancheur de ma peau. La fatigue, le manque de sommeil, associés à cette histoire de dingue, m'avait transformée en cette espèce de vision spectrale. J'avais un mal fou à rester concentrée, mes idées étaient embrouillées, et je devinais péniblement que Madame Gringet ne m'avait pas tout dit. 
(Vali)

"Vraiment pas belle à voir ce soir, ma vieille !" me lançais-je du coin de l'oeil en quittant la salle de bain. "C'est de pire en pire... au moins t'as la "gueule" de la situation. Si tu pensais dénoter dans le cadre, rassure-toi, maintenant t'es dans le rôle...". Mon portable coupa court à mon introspection. C'est ce que je crus.
- Mademoiselle Gigi ? Désolé d'appeler si tard, je suis le locataire du rez-de-chaussée. J'ai besoin de vous parler. Est-ce-que je peux monter ?
- Euh... c'est-à-dire que...
- Merci. Je n'en aurai pas pour longtemps. J'arrive...

*
Chapitre 2


Madame Gringet se réveilla comme à son habitude avant le lever du jour et se dirigea vers la cuisine pour y préparer le petit déjeuner. Le cérémonial du matin commença. Elle sortit machinalement son bol, et aligna sur la petite table, pain, beurre, confitures maisons, couteau et petites cuillères, tandis que l'eau bouillait pour son café. C'était ainsi depuis que ses Victors s'étaient éteints. La vie de bien des veuves, soupira-t'elle en reposant la petite casserole en alu sur la vieille cuisinière. Elle se dirigea vers la chambre près de l'entrée, entrouvrit délicatement la porte :
- Vous dormez ? J'ai fait du café... susurra-t-elle. 
(Elorac)

- Hum, ça sent bon le café frais, Madame Gringet ! répondit l'invité mystère. Je vous rejoins dans un instant, le temps de me rafraîchir...
Madeleine referma simplement la porte et se dirigea vers la cuisine d'où la bonne odeur de petit déjeuner lui titillait elle aussi l'estomac et les papilles gustatives. Tandis qu'elle prenait un siège à côté de la petite table, elle tendit le bras vers son poste de radio et chercha son émission préférée afin d'y entendre les infos de ces dernières 24 heures. Le besoin intense de se changer les idées, d'oublier de spéculer sur les missives menaçantes de la veille au soir, prenait le dessus et, peu à peu, aidée par la présence de son convive, elle approchait de son but. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de penser à sa jeune voisine Gigi qu'elle avait embarquée malgré elle dans cette drôle d'histoire.
"Que doit-elle penser de moi ?" se dit-elle. 
(Vali)


Gigi, quant à elle, s'était vite remise de la stupeur qu'avait engendré le dernier appel téléphonique de la nuit ; en effet, le voisin du rez de chaussée ne manquant pas de charme, Gigi s'était hâtée de nettoyer son visage, de se redonner un petit coup de poudre aux joues après se les être pincées bien fort. Tout en s'appliquant, ses pensées bifurquèrent vers le beau et ténébreux voisin :
"Hum, je ne sais pas où va me mener cette histoire, mais ce sera peut-être le moment de faire sa connaissance ; il est très mignon avec son petit nez retroussé, ses yeux noirs comme du jais, et ce sourire... toujours ce joli sourire qui me trouble... Je me demande quel est son prénom ?"
Gigi avait croisé quelquefois le jeune homme dans l'entrée du bâtiment et se sentait désorganisée par sa présence qui lui donnait l'impression d'être une grosse andouille au milieu d'une gerbe de paille. En sa présence, soudain, elle ne savait plus où regarder, elle trébuchait sur ses lacets défaits, se cognait dans le coin d'un mur, faisait tomber ses clés au sol, ou alors, elle fouillait comme une folle dans son sac à la recherche de son portable, bref, elle se montrait complètement désorientée à chacune de leur rencontre furtive. Elle espérait juste qu'il ne travaille pas dans le domaine de la psychiatrie !
Pour la seconde fois de la soirée, on sonna à ma porte, mais cette fois-ci je ne sursautai pas. Bien que les battements de mon coeur se fussent accélérés, c'est calmement que j'allai ouvrir.  
(Vali)

Je réussis, je me demande comment, à ne pas avoir une syncope. Je pense que mon visage devait refléter tout de même une certaine émotion, ou plutôt une émotion on ne peut plus certaine. Sur le palier, madame Gringet et le beau voisin se tenaient, main dans le main, un énorme sourire sur leurs visages...
Parfois, on se demande si on ne rêve pas ; le monde réel devient si flou, si inattendu, si instable, qu'on ne se sent plus concernés. Là, maintenant, mon environnement se présentait glauque et mou, et je me sentais incorporelle, en l'air, les bras étendus comme des ailes d'oiseau, à des kilomètres de ces deux personnes qui hantaient mon présent.
Hélas, j'allais vite retomber sur terre. 
(Naïma)

Je les regardais du coin de l'oeil, l'air de rien, et leur bonheur commun, voire leur complicité presque enfantine, me dérangeait fortement. Je soupirai bien malgré moi un gémissement lent et lourd de sous-entendus et, bien que je n'en aie pas vraiment envie, je les laissais entrer dans le couloir de mon petit appartement sans mot dire.
Derrière eux je refermai la porte et, lasse, je leur emboîtais le pas jusqu'au petit salon où ils n'attendirent pas que je les invite à s'assoir. Ils s'écroulèrent d'un seul mouvement au milieu du canapé. "Quelle nouvelle écrasante allais-je bientôt apprendre ?" me disais-je. "Quelle trouvaille allaient-ils dégoter pour moi ce matin ?"
J'en étais presque à concevoir des pensées désabusées... c'en était trop pour moi. (Vali)

Remarques :

bouton  (Avril 2011) Attention : cela devient un peu confus et les conjugaisons vont dans tous les sens !
bouton  Respectez les règles de la ponctuation lors de vos envois...
bouton  Bravo aux participants : vous réussissez très bien à maintenir le suspense...

Améliorer le texte :

bouton  Lire le texte déjà écrit et le respecter avant de continuer...
bouton  Bien faire les transitions pour lier les textes entre eux.
bouton  Chaque auteur peut corriger ultérieurement son propre texte ou suggérer une autre version à l'un des participants.
Participants : monique szczebara, Naïma, Béatrice, Elorac, Clothilde, Communication, Chloé, Vali, nikibar.com
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